C’est une bande de potes, de grands poulets de droite ayant basculé dans le privé qui se retrouvent aux dîners de la Poularde, dans des congrès sur la sécurité, dans les salons Ricard pour des pots et, pour certains, dans le jury du prix du quai des Orfèvres. Ces grands flics passés dans le camp de la Sarkozie se rendent des services, se refilent des tuyaux, entretiennent des réseaux entre police, politique et monde économique. Eux appellent ça du « délit d’amitié ». Mais la justice ne voit pas tout à fait les choses ainsi.
C’est ainsi que Christian Flaesch, 59 ans, l’ancien directeur du 36 – alias « la Fléchette » ou « le Loulou de Poméranie » pour les vieux de la vieille –, s’est retrouvé trente-six heures en garde à vue, son domicile a été perquisitionné et lui sera convoqué plus tard par le juge en vue d’une éventuelle mise en examen. Tout ça pour un pauvre SMS de rien du tout – à en croire ses dires aux bœufs-carottes de l’IGPN (Inspection générale de la police nationale) – à son copain Bernard Squarcini, 60 ans, dit « le Squale ». Mercredi soir, ce dernier a été mis en examen pour « violation du secret de l’instruction », « trafic d’influence » et « détournement de fonds publics ».
Ce Corse à la bouille ronde et joviale, rusé comme un renard, a l’impression de « servir la France » depuis ses débuts aux Renseignements généraux (RG) en 1981, et a commandé la DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur), la machine de guerre contre le terrorisme créée en 2008 par Nicolas Sarkozy, alors président de la République. Il n’a pas compris pourquoi le nouveau pouvoir socialiste l’a évincé en mai 2012, le considérant comme « l’homme des basses œuvres de la Sarkozie ». Dépité, « carbonisé », écarté des services officiels, le Squale a monté sa boîte de consultant en intelligence économique, Kyrnos (le nom que les Grecs anciens donnaient à la Corse). Connu comme le loup blanc, Bernard Squarcini met alors son volumineux carnet d’adresses au service de prestigieux clients : Gallice, qui protège des expatriés du CAC 40 en Afrique, le cigarettier américain Philip Morris ou encore le fabricant de sacs à main et de produits de luxe LVMH, officiellement pour lutter contre les contrefaçons. En 2012, le PDG de ce groupe, Bernard Arnault, intime de Nicolas Sarkozy – il était des invités du Fouquet’s le soir de sa victoire présidentielle –, est visé par une plainte de son concurrent, Hermès, qui lui reproche une entrée en catimini dans son capital.