75ans, c’est un peu jeune pour mourir. Surtout de mort violente. Mais voilà, dans la nuit du 31 juillet au 1er août 2023, Le Journal du dimanche est mort, fauché par Vincent Bolloré. Le tueur en série des médias a encore sévi, après l’investigation sur Canal+, après i-Télé, après Les Guignols, après la rédaction des sports de la chaîne cryptée, après Europe 1, après Paris Match. Son arme, cette fois : placer à la tête de la rédaction Geoffroy Lejeune, journaliste trop d’extrême droite pour Valeurs actuelles, qui s’en est délesté après sept années. Ses victimes : Le JDD offert à l’extrême droite et des dizaines de journalistes qui vont s’en aller parce qu’ils ne voulaient pas, parce qu’ils ne pouvaient pas travailler pour Geoffroy Lejeune. Mince espoir, tout maigrelet même : cette grève historique
Même si le piège était refermé et l’affaire entendue depuis le premier jour, il en a fallu quarante autres et six non-parutions du JDD ainsi qu’un site d’infos congelé depuis le 22 juin pour que soit signé un protocole de sortie de crise, « cette signature implique la levée de la grève votée depuis quarante jours par la rédaction », d’après un communiqué de la Société des journalistes de l’hebdo. C’était dans la nuit, après une heure du matin et une journée incessante d’allers et retours entre direction et rédaction. Une semaine après la rupture des négociations par Lagardère News, qui refusait, notamment, de parapher une charte où elle s’engageait à refuser tous propos « racistes, sexistes, homophobes » (lire l’épisode précédent), le contact a été renoué, en fin de semaine dernière. « C’est Geoffroy Lejeune ou nous. Et si c’est lui, alors ce sera sans nous », résumait récemment un journaliste. Puisque ce sera lui, contre qui la rédaction, unanime, a mené la plus longue grève de l’histoire de la presse française, alors ce sera sans eux. La direction de Lagardère News a choisi. Plutôt sacrifier une rédaction entière que Geoffroy Lejeune.
« À la fin, on perd », constate, amer et épuisé, un journaliste. Depuis le début de la grève, la rédaction avançait deux revendications : que la direction renonce à Geoffroy Lejeune et qu’elle offre des garanties juridiques et éditoriales aux journalistes.