«Un bébé Match. » C’est ainsi que la décrivent ses collègues, ses ex-collègues désormais. C’est aussi comme ça qu’elle se dépeint, Émilie Blachère. Entrée à Paris Match à 24 ans, elle en a aujourd’hui 40, « bébé Match » a bien grandi et pris son autonomie en même temps que la porte de l’hebdo, fin janvier. Vendredi 17, elle a déposé une requête aux prud’hommes pour demander à son ex-employeur la clause de conscience, qui permet aux journalistes de quitter avec les indemnités légales un média dont la ligne éditoriale change brusquement. La direction de l’hebdo la lui a refusé, soutenant mordicus que, non, rien n’a changé à Paris Match. Ce que démentent les faits que Les Jours vous racontent dans cette série, L’héritier. La rupture entre Émilie Blachère et Paris Match, c’est, au travers d’une histoire personnelle, celle de la conquête des médias d’Arnaud Lagardère par Vincent Bolloré et de la bataille idéologique qu’il mène. « Ce que je dénonce, c’est une ingérence de Vincent Bolloré », dit Émilie Blachère aux Jours.
Ce combat pour obtenir la clause de conscience, Émilie Blachère le raconte avec ses mots et non sans émotion, « avec tristesse et colère », précise-t-elle. « Ce combat, je le mène pour mon journal. » « Mon journal », « notre journal », elle le répète, le scande, c’est le journal qui l’a faite et qu’elle a fait pendant presque seize ans : « J’ai postulé après l’ESJ, je suis très attachée à ce journal, je l’aime profondément, je le respecte. J’étais très fière de travailler à Match parce que c’est un journal qui touche tout le monde, de ma grand-mère au président Macron. »
Émilie Blachère est reporter. En seize ans, elle a crapahuté partout. « J’ai fait beaucoup de choses, je n’ai jamais été dans une case » : printemps arabes, crimes de guerre en Syrie et en Irak, elle a arpenté le Cameroun à la recherche du point zéro du sida, travaillé sur les réfugiés en Jordanie, à Lesbos, suivi l’affaire Florence Cassez sur le long cours
L’histoire d’Émilie Blachère, c’est celle de nombreux journalistes de Paris Match, celle d’une rédaction peu à peu placée sous l’emprise de Vincent Bolloré qui tire les ficelles sans en être officiellement le proprio, grâce à l’aide d’une zélée direction.