Ah non Vinz. Tu ne vas pas nous faire ça à même pas dix épisodes du centième, non mais oh. C’est peu dire qu’une légère frayeur a saisi Les Jours, ce mardi matin, à la réception du communiqué de Canal+ annonçant le remplacement de Vincent Bolloré à la présidence de son conseil de surveillance. Certainement la même angoisse qui a frappé les téléspectateurs de Dallas quand la saison 1979-1980 s’est terminée par un JR abattu dans son bureau. Mais JR n’est pas mort, bien sûr, et l’empereur Bolloré est toujours bien en place. Simplement, Vincent Bolloré place ses pions.
Ses pions, ce sont toujours les mêmes : Maxime Saada, numéro 2 du groupe et seul rescapé ou presque du grand dézingage de 2015, et Jean-Christophe Thiery, fantomatique numéro 1 venu, comme à chaque nouveau raid de Bolloré, dans l’attaché-case de son patron. À la faveur des nominations annoncées ce mardi, Maxime Saada devient président du directoire de Canal+, à la place de Jean-Christophe Thiery qui, lui, remplace Vincent Bolloré à la présidence du conseil de surveillance du groupe. Des chaises musicales ou, puisque notre bouillant Breton s’est toujours piqué d’être un expert des Guignols, un spectacle de marionnettes. Agitées par une seule main, celle de Vincent Bolloré qui reste proprio de Canal+.
Les deux instances du groupe restent d’ailleurs totalement à sa main. Le directoire, qui dirige, tout comme le conseil de surveillance qui, heu, surveille, restent tous deux composés sinon de Bolloboys pur sucre (Hervé Philippe, Arnaud de Puyfontaine, Stéphane Roussel, Frédéric Crépin, Simon Gillham, Marc Taïeb…) ou qui le sont devenus avec la conquête de Canal+ par l’homme d’affaires (Maxime Saada donc, Grégoire Castaing et Jacques du Puy). De haut en bas, la maison est cadenassée par des hommes de Bolloré.
Vincent Bolloré va donc quitter le bureau où il s’est installé le 3 septembre 2015, celui qu’occupait Bertrand Meheut jusqu’à ce qu’il l’en éjecte. Ce bureau qui plaisait bien à Bolloré pour sa particularité architecturale : une marche invisible à l’entrée qui décontenance le visiteur, voire l’expédie au tapis avant même de commencer les discussions. La com de Canal+ a bien fait son boulot, distillant ses éléments de langage soigneusement repris dans les médias : « Actant le redressement de la situation de Canal+, écrit sans rigoler Le Figaro, Vincent Bolloré a décidé de prendre du recul », il a « toute confiance en l’équipe en place », « la route est tracée » nanani, nanana.
La route, s’il en a tracé une, tient en fait plus d’un mélange entre celle des chicanes de Notre-Dame-des-Landes et celle des pavés du Paris-Roubaix : un incommensurable champ de ruines.