Le 17 février 2022 – disons plutôt le 18, parce qu’il a prévu d’organiser la veille en son manoir d’Odet une grande fête à l’occasion de son départ à la retraite pile le jour des 200 ans de son groupe industriel –, Vincent Bolloré pourra enfin se reposer. Il fera un peu froid dans la grande demeure, peut-être qu’un plaid sur ses jambes adoucira la rigueur de l’hiver breton qui, s’aperçoit Vincent Bolloré par la grande baie vitrée, fige la rivière et tout le village d’Ergué-Gabéric, sa terre finistérienne, là où tout a commencé. On le voit déjà, fringuant encore à pas tout à fait 70 ans, s’installer confortablement dans son fauteuil Everstyl – vous savez, celui des pubs d’après-midi, avec la fonction releveur électrique –, appuyer d’un doigt à peine chenu sur le bouton 8 de la télécommande de son écran géant. Il est 12 h 40 ce vendredi 18 février 2022, voici William Leymergie, son William, son œuvre. Quelle félicité.
En attendant ce qui, selon nos calculs, devrait être l’épisode 306 et ultime de L’empire, retour à celui d’aujourd’hui, le 74, marqué par une découverte majeure un mois après la rentrée. Au-delà de la conquête de Canal+, conduite comme un soudard, au-delà de la stratégie de n’importe quoi consistant à faire fuir les abonnés du groupe, Vincent Bolloré a réussi sa télé. Si, si, il a réussi sa télé, du moins sa télé à lui, sa télé idéale, dont il n’est pas loin d’être également le seul téléspectateur.
Bolloré a colonisé Canal.
« Je cherchais à définir ce que Vincent Bolloré a fait à Canal+… » Comme beaucoup, cet interlocuteur des Jours s’est longtemps gratté la tête face à la stratégie de l’homme d’affaires. Pourquoi s’ingénier à faire du petit bois du groupe Canal+ ? Par incompétence ? Parce qu’il n’a d’autre but que de le revendre par petits bouts ? Mais pourquoi alors faire ainsi baisser sa valeur ? Et puis notre homme a réussi à mettre le doigt dessus : « Bolloré a colonisé Canal. » Exactement. Il a colonisé Canal+ à coups de bons petits soldats, ses hommes (et ses femmes, mais il y en a peu) placés à des postes de direction. Il a colonisé dans le même mouvement la culture maison pour y imposer la sienne, remodelant les émissions à sa façon. Rien que trois noms : Morandini, Ardisson, Leymergie. On est gentils, pour cette fois, on vous épargne Cyril Hanouna. Dont, pour info, l’une des dernières saillies a consisté à défendre Lidl, taillé en pièces par Cash investigation pour ses méthodes de management frôlant l’esclavagisme. Et qui, mais c’est un hasard, est