C’était une lubie, c’est devenu une croisade. En participant largement au financement du film chouan Vaincre ou mourir, la première production cinématographique du Puy du Fou, Vincent Bolloré transforme encore un peu plus Canal+ et ses diverses chaînes en une armada au service de son idéologie ultracatholique, souverainiste et ultraconservatrice. Dans le groupe qui abrita les exploits de Pine d’huître, le scout incarné au siècle dernier par Antoine de Caunes, ça frétille désormais sérieusement du goupillon.
On passera sur le fond de Vaincre ou mourir, déjà largement dépecé par l’ensemble des critiques cinéma. Un film, disons, pour rester polis, baroque, où une voix off accompagne les exploits vendéens : il s’agit d’une adaptation d’un spectacle du Puy du Fou, parc monomaniaque à la gloire de la chouannerie. C’est dire l’ambition cinématographique qui se résume en un message binaire : les gros méchants ce sont les républicains, les super gentils ce sont les royalistes catholiques. Conçu au départ comme un docufiction (l’important, c’est fiction) pour la télé, Vaincre ou mourir est arrivé sur grand écran à la faveur de l’investissement de Canal+, expliquait en mars 2022 au Parisien Nicolas de Villiers, chef dudit parc et fils de : « C’est notre partenaire Canal+ qui, en voyant les premières images, a eu envie de le distribuer en salles. » Un investissement des plus conséquents : un tiers du budget de 3,4 millions d’euros est issu de Canal+ quand, d’ordinaire, ainsi que l’a relevé L’Informé dans le dernier rapport du Centre national de la cinématographie (CNC), « l’apport moyen de Canal+ par film d’initiative française couvre 16 % des devis des films qu’elle pré-achète ». Ainsi que le dévoile L’Informé, Canal+ a rincé la production à hauteur de 970 000 euros, suivi par plusieurs de ses chaînes (Ciné+ : 40 000 euros ; C8 : 30 000 euros et CStar : 10 000 euros). Plus StudioCanal pour les ventes à l’étranger. Les petits plats dans les grands, bref, toute l’argenterie de Vincent Bolloré. Chez StudioCanal, on se souvient avoir vu arriver Vaincre ou mourir très tardivement, « il était déjà quasiment fini », ce qui est très rare, d’habitude les films sont proposés encore à l’état de synopsis. Mais là, les étapes avaient été sautées : « Il n’y avait simplement pas le choix. » Le projet est estampillé Bolloré, pas d’intervention directe : tout vient d’en haut, pas de trace écrite, mais une simple conversation à l’oral avec un supérieur : « Tu y vas. »
Aucune autre chaîne ne s’est risquée à mettre de l’argent dans Vaincre ou mourir, qui n’a pas bénéficié d’aide directe du CNC.