C’est spécialement en pensant à lui que cette commission d’enquête sénatoriale sur la concentration dans les médias a été créée et le voilà. Pour un peu, la surface de l’eau dans les verres des sénateurs se riderait au rythme de son pas vers la salle Clemenceau qui accueille son audition. L’ogre d’Ergué-Gabéric (son fief familial breton), l’Attila de l’information (là où il passe, CNews pousse), le Godzilla des médias, mesdames-messieurs, Vincent Bolloré. L’homme est taiseux, ses interviews dans la presse rarissimes et ses interventions publiques également ; il va parler, enfin. Ah et un détail, Vincent Bolloré ne doit pas mentir. On ne raconte pas de craques au Sénat, c’est interdit par la loi et ça peut aller jusqu’à sept ans de prison et 100 000 euros d’amende. Le président de la commission, le sénateur centriste Laurent Lafon, a même bégayé devant l’enjeu, évoquant, face à Vincent Bolloré, « l’empereur », plutôt que « l’ampleur » prise par son groupe dans les médias…
Mais en face, c’est un semi-retraité qui s’est présenté, un inoffensif papy, tout juste s’il n’est venu avec son plaid et ses pantoufles et n’a pas demandé qu’on lui installe un fauteuil Everstyl, celui où on peut remonter les pieds avec un petit moteur et se chauffer les reins. Pensez-vous, « je finis de laisser ma place de dirigeant, énonce-t-il, ma famille va poursuivre cette saga industrielle ». Ça, c’est la légende que Vincent Bolloré entretient depuis des lustres, celle du 17 février 2022 où, à l’occasion des 200 ans de son groupe et à la veille de ses 70 piges, il se retirera sur ses terres bretonnes, laissant à ses enfants la direction des affaires, il a, dit-il, « atteint le délai de péremption ». Pensez, et il n’a cessé de le souligner lors de son audition, Vincent Bolloré n’a « aucun titre et aucun pouvoir », sinon celui de « conseiller » chez Vivendi, la maison-mère de Canal+. En réalité, ce n’est pas conseiller, sa fonction mais, tout à fait officiellement, « censeur ». On ne rit pas. Mais Bolloré se fait philosophe acceptant de passer pour « le paratonnerre » des foudres sénatoriales. Et s’il faut aussi endosser le rôle du « boogeyman » (le croquemitaine, mais monsieur exerce à l’international), alors soit.
Doux conte alors qu’il continue d’exercer, et souvent seul, son pouvoir tant chez Vivendi