Ces quatre minutes et 42 secondes sont ravageuses. Ravageuses pour Pierre Ménès, parce qu’elles montrent sa réaction atterrante après avoir embrassé de force la journaliste Isabelle Moreau en 2011, et ravageuses pour Canal+. Parce que la chaîne a expurgé ces images du documentaire de Marie Portolano Je ne suis pas une salope, je suis journaliste ! afin de protéger son chroniqueur foot. Ravageuses, enfin, en ce que ces images censurées disent du sexisme endémique qui règne dans le milieu de la télévision et du sport. Les Jours se sont procuré cette vidéo et la séquence est terrible.
Lundi soir, chez Cyril Hanouna, sur C8, filiale du groupe Canal+, dans une opération repentance organisée au lendemain des révélations des Jours sur la censure du film (lire l’épisode 156, « Pour protéger Pierre Ménès, Canal+ censure un docu sur les femmes »), a été diffusée une séquence coupée mais une seule : celle où Marie Portolano confronte Pierre Ménès au moment où, en 2016, il lui a soulevé sa jupe en marge du Canal Football Club, exhibant ses fesses au public du studio. Les images que dévoilent aujourd’hui Les Jours, Canal+ s’est bien gardé de les fourguer à Cyril Hanouna, et pour cause.
Cette image, elle est dévastatrice. Je m’en suis aperçue trop tard mais ça a été le déclencheur de tout mon processus pour me dire “c’est fini”.
Dans la version du documentaire diffusée dimanche dernier sur Canal+, Isabelle Moreau racontait son expérience au Canal Football Club, l’émission qu’elle coprésente à partir de 2008 et pendant trois ans aux côtés d’Hervé Mathoux. Pierre Ménès rejoint l’émission en 2009 et ne la quittera plus. Dans le film de Marie Portolano coréalisé avec Guillaume Priou, Isabelle Moreau intervient dans le chapitre intitulé « Le piège de la potiche ». « Sur le Canal Football Club, bien sûr il fallait une femme, témoigne-t-elle, sinon c’était une émission entre hommes et ça faisait un peu désordre. Je me suis pas vécue comme telle mais c’est après coup que je me suis rendu compte à quel point je pouvais incarner le quota. » Elle raconte sa souffrance, son « sentiment de ne pas exister », la façon dont elle est interrompue dans les réunions de préparation de l’émission : « À force, je me suis tue. » Marie Portolano l’interroge : « Le CFC, c’est un cadeau empoisonné ? » Oui, répond Isabelle Moreau, « ça s’est transformé un cadeau empoisonné mais je ne pense pas que ce soit pour des raisons personnelles, des gens qui sont sur l’émission. C’est vraiment l’incarnation d’un système ». Suit une archive : elle interroge le footballeur Samir Nasri.