Une ombre est passée en direct devant la caméra et il était là. En retard à sa propre émission, en retard à ce Face à l’info bricolé autour de lui et pour lui, où on a collé une ancienne membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) à la présentation pour faire genre, où on a recruté à la hâte trois chroniqueurs pour tenter de le noyer dans la masse, où on a fini par lui trouver un contradicteur pour faire croire à un débat. Alors qu’il n’y a pas de débat, pas de contradicteur, ni d’ex du CSA : il n’y a qu’une fenêtre offerte à Éric Zemmour sur CNews, la chaîne info du groupe Canal+.
Ce lundi, c’est sa première. Et il est comme chez lui, ou plutôt il est chez lui. Pourquoi se gênerait-il sur la chaîne info qui l’a voulu, maintenu, malgré la toute récente et définitive condamnation pour incitation à la haine religieuse, malgré une sauterie perpignanaise avec Louis Aliot, du Rassemblement national, malgré son discours d’ouverture à la Convention de la droite, sorte de feu d’artifice de toutes ses idées moisies en forme d’appel à la guerre civile, qui a illico déclenché enquête du parquet et hourvari général. Pourquoi se comporterait-il comme un invité alors qu’il est à la maison, puisque Vincent Bolloré l’a exigé et l’a eu (lire l’épisode 125, « Comment continuer à travailler pour une chaîne qui embauche Éric Zemmour ? ») ?
Dans la rédaction ce lundi, on n’entend pas une mouche voler. Là où il y a trois ans, les journalistes d’i-Télé se mettaient en grève contre l’arrivée de Jean-Marc Morandini que Vincent Bolloré leur imposait, les journalistes de CNews attendent dans le calme que le couperet Zemmour s’abatte sur eux. Il n’y a pas eu contestation ou si peu, ou si tardive, dans une chaîne qui ne s’est jamais relevée du traumatisme de l’éradication de la rédaction d’i-Télé, poussée dehors après 31 jours d’une lutte perdue contre Bolloré. D’ailleurs, en quête éperdue d’audience, le directeur de CNews, Serge Nedjar, l’avait dit aux journalistes : « Vous pouvez faire six mois de grève, Zemmour viendra. » Alors lundi, comme résignée, rapportent des journalistes, la rédaction attend. Jeudi pourtant, l’officialisation de l’arrivée de Zemmour par le directeur de l’information délégué, Thomas Bauder, avait été accueillie par des larmes de journalistes. C’est vrai que c’est à pleurer.
Juste avant Face à l’info, c’est Punchline, par Laurence Ferrari, désormais diffusée plus tôt pour laisser la meilleure exposition à Zemmour.