J’ai contacté Asma Abu Syam mi-octobre, dans les premiers jours de la guerre entre Israël et le Hamas. Je cherchais à recueillir le témoignage de Gazaouis sur place. Depuis, nous sommes en contact quasi quotidien, via Whatsapp. La connexion étant très mauvaise, nous communiquons par notes vocales. Parfois, il se passe plusieurs heures voire plusieurs jours sans qu’elle ait de réseau. Donc je lui écris, et dès qu’elle le peut, elle me répond. De temps en temps, ses messages arrivent douze heures plus tard, ou dans le désordre. Elle me raconte ce qu’elle vit, comment elle voit le présent et le futur. Asma Abu Syam a 42 ans, elle vit à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, avec son père de 90 ans, sa mère de 77 ans et une de ses sœurs. Elle est célibataire et professeure de français à l’école des Sœurs du Rosaire, à Gaza City. Voici son témoignage, près de cent jours après l’attaque du Hamas.
« C’était un jour de repos pour moi car le 8, il devait y avoir une fête dans mon école. On était en congés pour deux jours. Je me souviens, la veille, le 6, je discutais avec une amie : comment allais-je m’habiller pour le dîner de fête avec tous mes collègues ? C’était une journée tout ce qu’il y a de plus normale. Puis le samedi 7 octobre est arrivé et tout a basculé.
Il était 6 heures du matin quand ça a commencé (lire l’épisode 1, “D’Israël à Gaza, la mort aux trousses”). Je dormais encore, tout le monde dormait encore à la maison. Tout d’un coup, on a entendu énormément de bruit. Ma sœur est allée à la fenêtre et m’a dit : “Asma, viens voir !” On comprend alors que ce ne sont pas des bombardements. Mais qu’est-ce que c’est ? Je vais sur internet et je découvre que le Hamas a attaqué les Israéliens, ils ont percé la frontière. Je passe une heure à tout regarder. Tout de suite, je suis très inquiète parce que je sais qu’Israël va lancer une guerre. Et quelques heures plus tard, quand je vois les vidéos, quand j’entends que les Israéliens disent qu’il y a plus de 1 000 morts chez eux, je comprends que ça ne durera pas qu’une semaine ou deux. Je n’étais pas heureuse car je savais que les Israéliens nous attaqueraient et qu’aucun pays ni aucune décision ne les arrêteraient. Même si l’Égypte et le Qatar tentaient de calmer le jeu, leur riposte serait très dure. L’attaque initiale du Hamas a été très difficile pour eux ; leur réponse allait être bien pire. »
« Il y a eu un premier bombardement, juste à côté de chez nous. Ils ont lancé des bombes au phosphore.