«Quand la victime est majeure et porte plainte en son nom, on arrive à faire incarcérer les pédocriminels. En revanche, lorsque c’est le parent protecteur qui rapporte la parole d’un mineur, les choses se compliquent. Dans ce cas, les dossiers où j’ai réussi à faire condamner un père incestueux se comptent sur les doigts d’une seule main. » Me Myriam Guedj Benayoun, avocate au barreau de Toulouse, est pourtant experte en la matière. En 2020, cinq ans après le dépôt de plainte de Sarah Kadi, c’est elle qui reprend le dossier et qui réussit enfin à faire incarcérer le géniteur de sa fille, Marie. L’affaire avait pourtant été classée sans suite en 2016, et la petite fille forcée de fréquenter ce pédocriminel multirécidiviste pendant quatre longues années. « J’ai été sidérée par les violences institutionnelles imposées à cette mère et à son enfant », se souvient celle qui, dès lors, abandonne vingt-cinq ans de carrière en droit de la santé pour se consacrer à la protection des victimes de violences conjugales, physiques et sexuelles. Aujourd’hui, une centaine de dossiers d’inceste remplissent les placards du cabinet Guedj Benayoun. Des affaires « terriblement similaires », où des mères en quête de justice pour leurs enfants victimes d’inceste paternel se voient finalement abandonnées par cette dernière.
« Nous sommes face à un déni et un scandale d’État », estime l’avocate. Lasse de perdre ses batailles malgré « des dossiers béton », il y a un an, Myriam Guedj Benayoun, voix douce mais caractère bien trempé, cherche du soutien. « L’union faisant la force », elle rejoint un groupe WhatsApp créé par son confrère, Me Jean Sannier. L’avocat au barreau de Lyon depuis trente-cinq ans a d’abord défendu les enfants victimes de prêtres pédocriminels, avant de se spécialiser dans les affaires d’inceste paternel et de se battre, entre autres, pour la suppression du délai de prescription, actuellement porté à dix ans pour les agressions sexuelles et vingt ans pour les viols.
Parmi les trente mères que Jean Sannier défend actuellement, seules trois n’ont pas été « désenfantées », terme employé par les professionnels de l’inceste pour qualifier ces femmes privées de la garde de leur enfant après leur plainte (lire l’épisode 3, « Inceste : “La justice a livré ma fille au loup” »).