Dans quatre mois, cela fera dix ans. Dix ans que la plus grosse affaire de violences sexuelles impliquant un gynécologue connue à ce jour en France s’embourbe dans une instruction judiciaire erratique, ouverte en septembre 2013. Presque une décennie que la justice bafoue en silence des dizaines et des dizaines de femmes ayant porté plainte pour des violences sexuelles.
Depuis le 3 février 2022, le docteur T. est mis en examen pour 127 viols et agressions sexuelles par personne abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions. Libre sous contrôle judiciaire, il nie l’ensemble de ces faits pour lesquels il encourt vingt ans de réclusion criminelle. Au fil de ses interrogatoires, le septuagénaire assure que ce sont des « examens gynécologiques », concédant simplement une pratique « douce » ou « à l’asiatique ». À l’inverse, lors des consultations effectuées à son cabinet de Domont, dans le Val-d’Oise, « les victimes des agissements du docteur disent de lui [qu’il] met en confiance afin de mieux pouvoir abuser d’elles », écrivent les gendarmes dans un procès-verbal daté de 2019. S’en suivraient alors des caresses appuyées sur les seins, le pubis ou le clitoris. Dans la majorité des cas, ces femmes se plaignent de pénétrations digitales dans leur vagin, décrites comme de longs « va-et-vient » de la part du praticien qui, d’après elles, paraît « prendre du plaisir » et « en extase ».
En octobre dernier, Les Jours révélaient qu’une ancienne patiente du gynécologue ayant eu vent de l’affaire dans nos colonnes venait de porter plainte contre lui pour des faits survenus en 2008. D’après nos informations, une autre plainte, la 128e, a été déposée le 30 septembre dernier contre le docteur T. pour des faits survenus à son cabinet de Domont « en 2003 ou 2004 » selon cette plaignante, qui a découvert l’existence de la procédure via un post Facebook. La juge d’instruction été saisie pour ces deux plaintes mais n’a, à notre connaissance, pas encore mis le gynécologue en examen pour ces faits-là.
Je me sens salie […]. Ce n’était pas un acte consenti du tout, ni un acte gynécologique approprié.
Concernant cette nouvelle plainte, là encore, tout a pris du temps. Cette femme a pris attache avec le parquet de Pontoise le 15 février 2022. Celui-ci n’a prévenu les gendarmes qu’à l’été 2022. Eux ne l’ont contactée que fin septembre. Cette ancienne patiente du docteur T. a donc été entendue plus de sept mois après avoir effectué les premières démarches.
Dans sa déposition, cette quinquagénaire décrit le même modus operandi que les 127 femmes, qu’elle ne connaît pas, ont dénoncé avant elle : un gynécologue doux et affable qui se transforme en prédateur au fil de la consultation.