Wejdene, Anissa (Guette Music/Caroline, 2020)
Voilà un été qui s’est fait attendre un tout petit peu plus que d’habitude, après un début d’année 2020 qui ressemblait quand même à un très long et très lent effondrement. Ceux qui le peuvent sont partis ou vont partir, un peu moins loin, un peu moins sereins que d’habitude. On prendra ce qu’on peut prendre, la Seine-et-Marne c’est très joli aussi. Face A, face B aussi, va se mettre en pause le temps de souffler un peu, mais pas avant de poser une question plus brûlante cette année que d’habitude : quel sera le tube de cet été 2020 ? Car oui, désolé, mais on aurait bien besoin d’un tube de l’été pour oublier le reste ; un truc sucré plus ou moins fait exprès, un ver d’oreille qui transpercerait les tentes des campings comme les résidences ombragées du Cap-Ferret.
L’époque des tubes de l’été fabriqués en laboratoire et matraqués par les chaînes de télé étant passée (on y revient en face B, vous vous doutez bien), il nous reste les réseaux sociaux pour repérer la chanson qui peut tenir ce poste compliqué, un peu honteux un peu glorieux. Parce qu’on s’en souvient des décennies plus tard, de ces tubes de l’été qui se moquent de tout et, en ce mois de juillet 2020, il n’y a qu’un titre qui se dégage déjà du peloton : Anissa, de Wejdene. Une chanson sortie mi-avril en plein confinement, avant de devenir un objet autonome qui a largement échappé à son autrice, qu’on ne connaissait jusque-là que pour une poignée de singles de bas de tableau dans la variété française actuelle.
Anissa est une chanson de rupture d’une banalité totale, comme on en chante dans la pop en français depuis Sheila et Françoise Hardy (lire l’épisode 55, « Benjamin Biolay et Françoise Hardy, pose position ») au moins. Une fille a un amoureux qui l’a trompée, alors elle le vire. Point. « Nous deux c’est terminé, nous deux c’est fini », chante Wejdene de sa voix jeune, avec des vocalises légèrement autotunée. La rythmique n’est pas très rapide, lorgne vers le nouvel afrobeat nigerian et la trap, comme tout ce qui veut marcher aujourd’hui. Il n’y a rien de nouveau dans la production signée Mehdi Nine, qui a auparavant travaillé notamment sur le troisième album de Ninho, mais Anissa donne sans forcer envie de danser au ralenti en hurlant ses paroles avec un gobelet en plastique à la main
La chanson ne s’arrête pas là, car elle est aussi pleine d’hameçons, de hooks comme on dit dans les studios qui visent la lune pop.