Pomme, Consolation (Sois sage musique / Polydor, 2022)
Pomme aime les champignons, elle en met partout sur scène et dans ses visuels depuis des années. Jusqu’à la pochette de son troisième album, Consolation, qui vient en cette rentrée dérouler sa pop mélancolique apaisée. Ça va bien à sa musique, les champignons : ça sent l’automne, les feuilles mouillées qu’il faut soulever, la mousse et les balades nuageuses. Les chansons de Claire Pommet, 26 ans aujourd’hui, sont comme ça, ombrageuses mais douces, légères mais inquiètes et menaçantes. Consolation ne change absolument rien à cette couleur, mais affine sensiblement la musique de Pomme, qui s’est donné pour mission de fournir de la belle pop intérieure au grand public de la variété en français. Ce n’est pas une position facile à négocier, il faut avoir du caractère pour continuer à bien écrire quand on a du succès.
Avec Les Failles, sorti en 2019 et décliné depuis en plusieurs variations sonores, Pomme symbolisait admirablement son époque en compagnie d’autres, comme Angèle ou Yseult – et les Américaines Billie Eilish et Clairo – : elle chantait le stress face à la catastrophe climatique déjà irrattrapable, l’anxiété de vivre dans ce monde-là quand on n’a pas 25 ans, mais aussi la quête de l’amour et les petits gestes à deux quand ça marche, ou quand ça ne marche plus. Tout cela maquillé en chansons pleines d’arbres et de nature inquiète au sous-texte très personnel. Sans en faire une revendication parce qu’on n’en est heureusement plus là, Pomme expliquait aussi que l’amour qu’elle interroge est lesbien et que le début de sa carrière s’est fait dans la douleur, à travers la muraille de sexisme et de menaces physiques érigée par les hommes qui verrouillent encore largement l’industrie de la musique. Entre douceur de façade et propos tranchant dès qu’on lui tend un micro, Pomme a ainsi pris place parmi les gens qu’il faut entendre pour saisir les combats entremêlés qui se jouent en ce moment – écoféminisme, dispersion des genres… Elle est le genre de chanteuse qui remue en profondeur les plus jeunes parce qu’elle met parfaitement en mots les sentiments adolescents bouillonnants – quitte à être trop démonstrative dans cette démarche, on ne fait pas dans la subtilité quand on découvre que le monde ne sera que décevant.