Difficile d’échapper aux caméras de surveillance, les sous-sols de la gare du Nord en sont garnis. Ces deux policiers le savent, ils y travaillent tous les jours. Pourtant, les images de leur intervention les ont conduits devant le tribunal correctionnel de Paris, ce 8 juin. Julien J., 32 ans, et Julien R., 34 ans, policiers à la brigade des réseaux franciliens, sont jugés pour violences contre un vendeur de maïs centrafricain. La justice les a aussi poursuivis pour « faux », estimant qu’ils avaient tourné les procès-verbaux à leur avantage. Mais à l’ouverture du procès, le tribunal, présidé par Corinne Goetzmann, s’est déclaré incompétent pour juger ces derniers faits, et a renvoyé une troisième policière, Virginie D., s’asseoir dans le public. Les deux prévenus restants n’ont pas le sentiment d’avoir fait quelque chose de mal.
Le 14 octobre 2015, Julien J., Julien R. et Virginie D. arpentent en civil les couloirs de la gare pour arrêter des vendeurs à la sauvette. Il y en a « huit ou neuf » ce matin-là, « avec leurs cabas », se souvient Julien R. La mission est tellement habituelle qu’il existe, au poste de police de la gare du Nord, des « PV préremplis ». « Neuf fois sur dix, ils nous suivent et il n’y a pas de menottage à faire », résume le deuxième prévenu. Après le passage au poste, « l’individu se retrouve dehors ». Julien R. et ses collègues le recroisent « le lendemain, le surlendemain ». Toujours la même routine. « Il y en a dont on connaît le nom et le prénom. La plupart du temps, ils nous suivent et nous disent : “Au revoir, chef. À la prochaine.” »
Deux fois par semaine depuis six mois, Sekou G. grossit les rangs des vendeurs de maïs. Il est centrafricain, sans-papiers, absent à l’audience. Lorsque Julien R. l’attrape par derrière et par surprise, sans le brassard qu’il devrait porter au bras, le vendeur parvient à se dégager en abandonnant son blouson et s’enfuit en courant. Le policier, déséquilibré, tombe par terre. Virginie D. déclare l’avoir vu se faire « retourner comme une crêpe ». Sur PV, Julien J. affirme qu’il a « nettement constaté » la « virulence » de l’interpellé et l’a vu commettre « des violences » sur son collègue. Ledit collègue parle d’abord d’un « coup de talon dans le tibia », puis s’embrouille dans ses explications une fois confronté à la vidéosurveillance. À l’audience, il opte pour « projeté violemment ».
Derrière les juges, un grand écran a été installé pour pouvoir projeter trois vidéos de l’interpellation, enregistrée par les caméras de la gare du Nord.