Il a déboulé tout schuss, nimbé d’un exotisme glacé, de clichés de vikings qui n’ont pas froid aux cheveux, de volcans en rut, d’étendues de lave, de sources chaudes et de petits noms qui suscitent autant l’émerveillement qu’un subit besoin de Doliprane : Eyjafjallajökull, Jökulsárlón, Thríhnúkagígur… Il a fait ses premiers pas dans les supermarchés français en 2018, coincé entre les yaourts et les fromages blancs. Son nom : le skyr. Le skyr ? Une spécialité laitière ancestrale née en Norvège, apportée par les vikings en Islande, où l’on s’en repaît depuis 1 000 ans. Il ressemble à un yaourt sans en être un (on y reviendra). Plus dense, il assure un planté de cuillère sans risque de dérapage. Plein pot, il ne cesse de faire le beau, devenu en cinq ans seulement la mascotte bondissante du gros marché de l’ultrafrais (évalué à 5 milliards d’euros) qui a quelque peu tendance à roupiller.
Le skyr, c’est tout simplement une croissance à deux chiffres, avec +61 % de hausse en volume en 2022 versus 2021 et +58 % sur la même période en valeur, selon la société d’études et d’analyses Iri, interrogée par Les Jours. Avec déjà un premier trimestre 2023 à 49 % de hausse (en volume), nonobstant la diabolique inflation des produits alimentaires. Désormais 25 % des Français en boulottent, alors qu’il n’étaient que 2 % fin 2018, selon les chiffres fournis par l’institut Kantar. Mais qu’est-ce qu’il a de plus, ce skyr ? Pourquoi une telle ascension (même s’il est encore petit et ne représente encore que 2,9 % du chiffres d’affaires de l’ultrafrais) ? Enquête sur un produit qui a certes des arguments à faire valoir dans la catégorie « superaliment » mais aussi de quoi ravir les spécialistes du marketing et amateurs de contes de fées. Ou plutôt de trolls…
Oublions les vikings, ce sont les Islandaises qui, pendant des siècles, dans les fermes familiales, étaient chargées de la fabrication du skyr, se passant la recette de mère en fille, avant que n’apparaissent les premières coopératives laitières dans les années 1930. Et que les vaches ne deviennent les fournisseuses officielles de skyr, remplaçant les brebis et chèvres. La recette de base est grosso modo toujours la même : du lait écrémé (ciao les matières grasses) auquel sont ajoutés des ferments lactiques identiques à ceux que l’on utilise dans la fabrication du yaourt (streptococcus thermophilus et lactobacillus bulgaricus). Le lait est ensuite chauffé dans une étuve pour favoriser la fermentation.