L’ADN a parlé, le Grêlé, tueur et violeur de fillettes, est aussi un tueur d’adultes. En 2001, son empreinte génétique a été identifiée sur la scène d’un double meurtre commis quatorze ans plus tôt, au 7 rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie, dans le IVe arrondissement de Paris (lire l’épisode 4, « Les suppliciés du Marais »). Au bureau 415 de la brigade criminelle, les limiers du groupe Vasquez reprennent donc leurs investigations sur cet assassinat sordide d’une jeune fille au pair allemande, Irmgard Müller, 20 ans, et de son employeur, Gilles P., 38 ans, à la lueur de cette révélation. Un rebondissement incroyable pour Alain Vasquez : « Jamais on n’aurait pu se douter que c’était le même criminel tellement le mode opératoire et le type de victimes ne ressemblaient pas à ceux du Grêlé. » Car l’homme à la mauvaise peau était jusque-là recherché pour assassinat et viols de petites filles par ses collègues du bureau 302 au 36 quai des Orfèvres, à l’étage du dessous.
Boosté par cette découverte inattendue, le groupe Vasquez reprend contact avec tous les suspects de 1987 pour une prise de sang. Ainsi, les vingt-neuf noms d’amants consignés dans le carnet d’adresses d’Irmgard Müller sont retrouvés puis soumis à un prélèvement d’ADN, mais il manque toujours le trentième, non identifié à l’époque. Et c’est un « soulagement » pour les poulets du bureau 415 de s’apercevoir qu’aucun de ces hommes, dédouanés à l’époque à l’issue d’investigations classiques, ne correspond à l’empreinte génétique XY n° 16.17.16.17.7.9.3 du criminel en série. « On a pu vérifier que l’on avait eu raison de mettre hors de cause ces types-là. Ça nous a rassurés et nous a permis de souffler. Car on doute toujours, on a peur de se tromper et qu’un mec soit passé au travers », me confie Alain Vasquez. L’ex-commandant de la crim’ insiste sur les vertus multiples de l’ADN : « On a tendance à voir uniquement le résultat positif, l’identification, mais la disculpation de suspects est tout aussi importante. »
La science corrobore également en 2001 la première hypothèse policière sur le mobile des crimes du Marais : passionnel et sexuel. Le groupe Vasquez a désormais la preuve que le tueur et le dernier amant d’Irmgard ne font qu’un. Car la même empreinte génétique a été caractérisée à la fois sur le mégot de cigarette ayant servi au meurtrier à brûler ses victimes et sur le bout intérieur du tampon hygiénique de la jeune fille.