Trop, c’est trop, le pot de miel est plein. Mardi 11 juin, lendemain de Pentecôte, trois syndicats apicoles ont pris la mouche et lancé une pétition pour exiger « plus de transparence sur l’origine du miel ». Objectif : faire pression sur le ministère de l’Agriculture pour réformer les normes d’étiquetage de ce produit. Selon l’organisme FranceAgriMer, 80 % des consommateurs sont persuadés de mettre du miel français dans leur panier à provisions. Ah les naïfs, comme ils se trompent ! Ou sont trompés, selon les interprétations. Dans le collimateur des porteurs de la pétition, il y a le miel « made in nulle part », une contrée brumeuse où les abeilles produisent un mélange soyeux à étaler pour pas cher sur les tartines du matin. Or, tout ce qui colle n’est pas miel, et c’est bien là le problème.
Tout commence par une pénurie. La France ne produit même pas un tiers, entre 10 000 et 15 000 tonnes, de ce que ses habitants consomment, soit environ 45 000 tonnes de miel chaque année. C’est que la vie n’est pas une sinécure pour l’abeille domestique hexagonale. Quand les apiculteurs bretons que Les Jours ont rencontrés dans l’épisode 2 perdent jusqu’à 80 % de leurs colonies sous l’effet de différents fléaux conjugués, comme les pesticides, le Varroa et la météo pourrie, c’est walou pour le miel de l’année : à peine réussissent-t-il à empoter les quelques tonnes produites par les survivantes. Mêmes les apiculteurs urbains, plutôt épargnés par les hécatombes, nous l’ont raconté : les vaches grasses sont derrières eux (lire l’épisode 5, « À Paris, la foire du dard contemporain »). Résultat : la production française a perdu 10 000 tonnes en dix ans, et le miel made in France est devenu une denrée rare.
Environ les trois quarts de ce que le Français moyen étale sur ses crêpes est donc importé. Ces volumes, venus de loin pour satisfaire la demande d’un produit qui a la cote, ont même augmenté de 60 % en une décennie et représentent plus de 115 millions d’euros, selon FranceAgriMer. D’où vient ce nectar exotique ? D’Ukraine, d’Espagne, de Chine et d’Argentine essentiellement. Il se retrouve sous forme de mélanges divers, composés par des conditionneurs et vendus en grandes surfaces, qui représentent le principal circuit de commercialisation avec plus de la moitié des ventes. Comment le sait-on ? Certainement pas grâce au rayon miel du supermarché.