Pas de lune de miel sans une bonne marieuse. Yannick Delhomme ne le sait que trop bien. En ce début juillet, il est un peu nerveux. Dans sa Charente-Maritime, les tournesols viennent de fleurir. Il a quinze jours devant lui pour que les pieds femelles soient fécondés par le pollen des pieds mâles. Et la marieuse, c’est Maya. Pour que la fertilisation des tournesols soit optimale, il faut des centaines de milliers de butineuses en action. En allant de fleur en fleur pour pomper le nectar qui leur servira à fabriquer du miel, elles se couvrent de milliers de grains de pollen qu’elles disséminent en se déplaçant et assurent ainsi un service indispensable à la reproduction sexuée des plantes à fleurs : la pollinisation (lire l’épisode 1, « Gilet jaune et noir, Maya pique une colère »). La récolte des 1 800 hectares de tournesols de la coopérative Terre Atlantique, à Saint-Jean-d’Angély, en dépend. Alors le responsable des production tournesols est langue pendue au téléphone, du soir au matin, avec les apiculteurs qui placent stratégiquement leurs abeilles dans le plan de table pour que tout le monde s’emballe à la fin. « Il faut disposer les ruches au bon moment, parcelle par parcelle, ni trop tôt ni trop tard, sans ça, ça ne marche pas. »
Un réseau d’une dizaine d’apiculteurs met ainsi chaque année ses colonies au service de la centaine d’agriculteurs charentais. Ces chantiers de pollinisation sont un service payant, rémunéré 40 euros par ruche, à raison d’une ruche par hectare, parfois plus. L’opération est délicate. Chaque parcelle a ses spécificités et sa date de floraison propre. Les apiculteurs déplacent donc leurs colonies de champ en champ, au fur et à mesure de la courte saison. Le confort des ouvrières n’est pas à négliger pour le succès de leur mission : de l’ombre pour ne pas trop souffrir de la chaleur, un point d’eau pour se désaltérer, un emplacement choisi pour que le vent dominant ne les pousse pas vers le champ d’à côté, marier des inconnus qui n’ont rien demandé. Si elles sont ainsi choyées, c’est parce qu’elles peuvent rapporter gros ou ruiner un agriculteur, c’est selon. « Le monde apicole, c’est la clé du succès. Pas de fécondation : pas de rendement, et c’est tout le revenu de l’agriculteur qui est potentiellement mort », explique Yannick Delhomme. Le tournesol de Terre Atlantique ne finira en effet pas directement en huile. La coopérative est spécialisée en production de semences,